21 décembre 2012 | Blog, Blog 2012, Communication | Par Christophe Lachnitt
Instagram aussi mauvais communicant que Facebook
En communication, tout est souvent affaire de timing. La faute d’Instagram a été de l’oublier deux fois en quelques jours.
Commençons par rappeler les faits.
L’application de partage de photos sur mobiles Instagram a déclenché la furie d’une majorité de ses utilisateurs cette semaine en publiant de nouvelles conditions d’utilisation de son service.
La révolte en ligne est venue d’une nouvelle clause qui semblait permettre dans le futur à Instagram de partager avec Facebook et les publicitaires les photos chargées sur l’application par ses utilisateurs, et ce sans la permission de ces derniers. Ces photos pourraient même être exploitées dans des publicités. En clair, Instagram voulait devenir l’une des plus grandes et plus rentables banques d’images au monde.
Devant le mécontentement bruyant de ses utilisateurs, le patron et fondateur d’Instagram, Kevin Systrom, expliqua dans un article sur son blog que l’Entreprise ne comptait pas commercialiser les photos de ses utilisateurs ou les faire figurer dans des publicités. Mais il était déjà trop tard.
Même si quelques blogs et médias spécialisés prirent sa défense, l’opinion numérique était faite : Instagram avait violé l’ingrédient le plus important de sa relation avec ses utilisateurs, la confiance. Les concurrents d’Instagram, au premier rang desquels Pheed – qui permet à ses utilisateurs de monétiser leurs contenus au sein de l’application – profitèrent du véritable exode qui frappa alors la filiale de Facebook.
In fine, Instagram dut annoncer hier soir qu’elle faisait machine arrière et retirait la clause mal communiquée et donc mal comprise. Les dommages en termes d’image étaient trop importants et la fuite de photographes professionnels menaçait en outre de dégrader la qualité des contenus offerts par l’application.
Quelles leçons peut-on tirer de cette débâcle ?
Sur la forme, Instagram ignora deux fois en quelques jours l’importance du timing dans toute communication.
Elle commença par communiquer trop vite. Elle annonça en effet des changements à ses conditions d’utilisation dans l’optique de futurs développements stratégiques – en l’occurrence liés à la monétisation de son service – sans préciser concrètement quels seraient le périmètre et les modalités d’application de ces nouvelles règles. Ce faisant, elle généra de l’incompréhension – l’une des pires issues possibles d’une action de communication – qui se transforma rapidement en peur puis en révolte. Incidemment, on ne peut s’empêcher de comparer son approche à celle de sa maison-mère, Facebook, qui a récemment acquis la start-up pour plus de 700 millions de dollars.
Puis Instagram communiqua trop lentement, ne réagissant pas assez rapidement au trouble suscité par son initiative. Il est étonnant dans l’absolu qu’une filiale de Facebook, qui constitue aujourd’hui sans doute le meilleur outil de veille sur Internet, n’ait pas été capable de prendre conscience plus rapidement que le feu allait prendre sur le web. C’est moins étonnant lorsqu’on se souvient que Facebook lui-même est aussi peu doué pour anticiper et gérer la réaction de ses utilisateurs (lire par exemple ici et ici).
Sur le fond, il faut souligner que la stratégie annoncée par Instagram correspond à celle de tous les services en ligne gratuits (sauf LinkedIn) : se rémunérer publicitairement en exploitant les contenus produits et mis en ligne par leurs utilisateurs. Si l’on ne veut pas entrer dans ce type de relation commerciale invisible mais pourtant bien réelle, il nous faudra un jour payer pour utiliser des réseaux sociaux. En effet, il nous appartient de démontrer avec nos portefeuilles quelle importance nous accordons réellement au respect de notre vie privée et de notre propriété intellectuelle.