17 octobre 2013 | Blog, Blog 2013, Communication | Par Christophe Lachnitt
La presse doit-elle évoluer vers le consumérisme ?
Sa révolution peut-être la plus nécessaire pour se sortir du marasme.
BuzzFeed a révélé que Glenn Greenwald allait rejoindre un nouveau projet journalistique et quitter The Guardian, le journal où il s’était fait le relais des révélations d’Edward Snowden sur le système de surveillance d’Internet mis en place par la NSA (National Security Agency).
Il est ironique que l’apôtre des fuites de documents secrets dans les médias soit lui-même victime d’une fuite médiatique mais ce n’est pas là l’aspect le plus remarquable de cette information. En effet, le projet que Greenwald rejoint reflète une évolution très intéressante des médias d’information.
C’est Jay Rosen, professeur de journalisme à l’Université de New York (NYU), qui a communiqué sur son blog le plus d’éléments relatifs à ce projet. Il se trouve qu’il a conseillé son initiateur, le milliardaire Pierre Omidyar, fondateur du site d’enchères en ligne eBay. Agé de 46 ans, Omidyar “pèse” 8,5 milliards de dollars.
Après avoir été approché pour racheter The Washington Post (qui fut finalement acquis par Jeff Bezos), Omidyar réfléchit sérieusement à l’avenir de la presse. Il se demanda ce qu’il pourrait accomplir en investissant les 250 millions de dollars nécessaires au rachat du Washington Post dans la création d’un nouveau média. Il apprit parallèlement que Glenn Greenwald et deux de ses proches, les journalistes Laura Poitras et Jeremy Scahill, envisageaient aussi de créer un nouveau vecteur d’information.
Contactés, ils décidèrent de rejoindre son projet (et ses capacités de financement presque sans limite). Il faut dire que Omidyar et Greenwald se retrouvent dans leur crainte d’une menace étatique, aux Etats-Unis et dans d’autres pays démocratiques, sur la liberté de l’information. Omidyar compte enrôler des journalistes qui, à l’instar de Greenwald, bénéficient à titre individuel d’une réputation de crédibilité et d’une audience fidèle sur le web.
L’aspect qui m’intéresse le plus dans le projet d’Omidyar est sa volonté d’investir dans la compréhension des habitudes de consommation des futurs utilisateurs de son site d’actualité. Il cite à cet égard Netflix en exemple et c’est une référence extrêmement ambitieuse lorsqu’on connaît la maîtrise dans ce domaine du fournisseur en ligne de vidéos à la demande.
Omidyar veut que son futur site fasse montre d’une personnalisation équivalente à celle de Netflix dans la manière dont elle racontera l’actualité aux internautes. Naturellement, son expérience comme créateur d’eBay lui confère un atout indéniable dans cette optique. Cette approche rejoint celle mise en exergue par Jeff Bezos, un obsédé de la satisfaction client, lors de l’acquisition du Washington Post : “les lecteurs seront au coeur du Post. Je suis sceptique vis-à-vis de toute mission journalistique centrée sur les annonceurs“.
Ainsi que je l’ai déjà souligné sur Superception, le client n’est pas la priorité des journaux et journalistes dans la manière dont ils conçoivent, produisent et diffusent leurs contenus. En outre, la presse a omis de faire évoluer son positionnement et son image afin de séduire les nouvelles générations.
A cet égard, l’irruption d’experts de la relation client tels que Jeff Bezos et Pierre Omidyar constitue une excellente nouvelle pour la presse au sens large. Leur approche consumériste visant à mettre le consommateur au centre de toutes leurs initiatives pourrait bien être la plus grande révolution du monde des médias d’information dans ces dix prochaines années.