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Toute vérité n'est que perception

Plates-formes et contenus : la poule et l’oeuf ?

Lequel de ces deux actifs est-il le plus important de détenir pour occuper une place dominante dans l’univers médiatique numérique, social et mobile ?

Dans une interview accordée au New York Times, Jeffrey Katzenberg, l’ancien cofondateur et patron des studios DreamWorks Animations, apporte une réponse très intéressante :

“Nous avons tous grandi avec l’idée que le contenu est roi. Et je me suis rendu compte que ce n’est pas le cas. Le contenu est le faiseur de rois mais pas le roi. Le roi est la plate-forme. HBO est roi. Netflix est roi. Spotify est roi“.

Joignant les actes aux paroles, Jeffrey Katzenberg rencontre ces temps-ci des investisseurs potentiels pour lever pas moins de 2 milliards de dollars afin de financer sa nouvelle start-up visant à créer une plate-forme de diffusion de contenus vidéo de grande qualité1 sur smartphones.

Sous les effets de la révolution numérique, sociale et mobile, les rôles respectifs des plates-formes et des contenus dans le succès médiatique ressemblent souvent à ceux de la poule et de l’oeuf dans le développement de la vie.

Cette triple révolution a notamment rendu gratuite la diffusion de contenus (et la production d’une grande partie d’entre eux), ce qui s’est traduit par une surabondance de contenus disponibles en ligne. Pour s’y retrouver dans cette avalanche d’informations et de divertissements, les internautes ont de plus en plus eu recours à quelques grandes plates-formes d’agrégation et de curation, au premier rang desquelles Google puis Facebook2.

Cette logique s’est propagée à chaque segment de contenus dont la consommation a progressivement été dominée par une ou deux plates-formes. Incidemment, c’est cette même logique qui confère son hégémonie à Amazon dans le commerce électronique : lorsque l’offre (de contenus ou de produits) dépasse l’entendement, la faculté offerte par les grandes plates-formes d’y dénicher les éléments les plus précieux devient décisive. C’est ainsi qu’elles en sont venues, dans beaucoup de marchés, à dicter la demande quelle que soit l’offre.

Jeffrey Katzenberg - (CC) World Travel & Tourism Council Follow

Jeffrey Katzenberg – (CC) World Travel & Tourism Council Follow

Pour autant, ces plates-formes, toutes dominantes qu’elles sont, ne peuvent prospérer sans contenus : Google a développé son système d’exploitation Android pour notamment avoir accès à toujours plus de contenus utilisateur et nourrir ainsi la performance de ses services, Facebook est prêt à payer des producteurs de vidéos pour qu’ils diffusent leurs créations sur sa nouvelle fonctionnalité de diffusion Watch (comme elle l’avait fait précédemment pour Facebook Live), Netflix va investir 7 milliards de dollars l’an prochain dans la création de contenus et Spotify et Apple Music se disputent les exclusivités à coups de millions de dollars. En réalité, une plate-forme peut rapidement perdre de son attrait si elle n’est pas continument alimentée de nouveaux contenus intéressants.

Cependant, certaines plates-formes, de par leur puissance, peuvent en partie dépasser cette difficulté. Cette puissance résulte essentiellement de deux éléments : l’effet de réseau et l’expérience utilisateur. Celle-ci est souvent la condition de celui-là, comme le montre l’échec de Twitter à sortir de sa (grosse) niche. Ce sont par exemple ces deux facteurs qui justifient la facilité avec laquelle Instagram gagne des parts de marché face à Snapchat en se contentant de proposer à ses membres des fonctionnalités comparables à celles de l’application mobile éphémère.

C’est aussi ce pouvoir des plates-formes qui explique que le nombre de journalistes qui ont pu faire fructifier leur marque individuelle à l’écart des grands médias est beaucoup moins important que ce que l’on pouvait prédire il y a quelques années lorsque ce phénomène semblait inexorable. Aujourd’hui, les journalistes et analystes qui parviennent, sans le support d’une plate-forme (pure player numérique ou grand média traditionnel), à monétiser leurs contenus tout en ayant un impact dans les médias généralistes se comptent probablement sur les doigts d’une main3. Cela ne signifie pas que les grands canaux d’information ne se battent pas pour s’attacher les services des journalistes les plus influents.

L’exemple de Maggie Haberman est éclairant à cet égard. La meilleure dénicheuse de scoops politiques de sa génération a été enrôlée par The New York Times après avoir fait les beaux jours du New York Post, du New York Daily News et de Politico. Elle compte plus de 640 000 abonnés à son compte Twitter et sa visibilité outre-Atlantique est peu commune pour une journaliste qui se consacre à la relation de l’actualité et non à son commentaire. Elle constitue de ce fait un atout majeur pour la stratégie du New York Times de séduire un nombre toujours plus grand d’abonnés afin de compenser le déclin de ses revenus publicitaires. Mais elle ne pourrait pas subsister financièrement si elle ne bénéficiait pas de la chambre d’écho que lui fournit le quotidien new yorkais. La logique d’agrégation va de pair avec une logique de marque.

Un dernier phénomène met en exergue l’emprise des grandes plates-formes sur l’univers médiatique numérique, social et mobile. C’est celui qui porte les entreprises à devenir des médias pour reconstituer le territoire d’expression publique que la surabondance des contenus accessibles les empêche désormais de trouver sur Internet. En effet, les grandes plates-formes sociales ont non seulement phagocyté l’attention des publics des entreprises mais elles ont aussi donné la possibilité à ceux-là de s’exprimer avec la même caisse de résonance que celles-ci.

Or quelle est la réponse marketing des entreprises à cette révolution ? La plupart développent une politique de contenus de marque (brand content) qu’elles promeuvent sur le web social. Et certaines vont jusqu’à créer leurs propres médias pour maîtriser la diffusion desdits contenus.

Parfois, il faut être plus royaliste que le roi.

1 Le coût de production de chaque minute de vidéo diffusée par sa start-up devrait s’élever à 100 000 dollars.

2 L’analyste Ben Thompson a défini cette dynamique dans le concept de “théorie de l’agrégation“.

3 Ben Thompson est l’un d’eux.

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